Le Trésor des Marseillais : récit d’une expérience

Destiné à recevoir et entreposer des objets précieux, un trésor, petit édifice pareil à un temple, était lui-même une offrande faite au dieu du sanctuaire. La cité à l’origine d’une telle dédicace cherchait à s’assurer la protection du dieu ; et le caractère ostentatoire de son œuvre avait aussi pour fonction d’affirmer sa propre puissance.

C’est à la fin de l’époque archaïque, vers 500 avant J.-C. que les Massaliètes (Marseillais d’alors) se rendirent en Grèce, à Delphes, pour y élever, dans le sanctuaire d’Athéna (appelé Marmaria), le trésor des Marseillais. Il flanquait à l’origine le Temple d’Athéna ; ce qui confirme l’importance d’un tel édifice.

 

De cet édifice, ne subsiste, sur place, que la base du mur ornée d’un tore cannelé surmonté d’un rang de perles et pirouettes finement réalisé. Dans le musée de Delphes et ses réserves, sont conservés les précieux fragments de l’architecture et du décor sculpté que nous avons étudiés un à un afin de proposer une restitution de l’édifice. Ce travail a pu avoir lieu grâce à la collaboration d’archéologues, architectes, historiens, infographistes, plasticien et à l’utilisation de technologies de pointe. La restitution virtuelle projetée sur un écran à l’échelle 1:1 ainsi que 29 des fragments du Trésor sont actuellement présentés dans la Chapelle Puget de la Vieille Charité à Marseille. L’exposition Le Trésor des Marseillais ; 500 av. J.-C. l’éclat de Marseille à Delphes, présente aussi les découvertes de Marseille ses alentours datant de la même époque de le Trésor.

 

Mon rôle dans cette exposition était à l’origine de mener une recherche sur la polychromie d’un tel édifice. Les pigments dont disposaient les artisans qui travaillaient en collaboration avec les sculpteurs sont présentés dans l’exposition, ainsi que la feuille d’or, qui, appliquée sur certaines zones de l’édifice lui donnait tout son éclat.

Pigments et or ont aussi fait l’objet d’une approche expérimentale : à l’aide de liants tels que le jaune d’œuf ou la caséine (utilisés à l’époque archaïque), j’ai appliqué ces pigments sur des échantillons de marbre et sur des « impressions 3D » réalisées au laboratoire MAP-Gamsau.

Étant membre du commissariat scientifique de l’exposition, des questions de muséographie se sont également posées et il nous a semblé essentiel que les fragments prêtés par la Grèce (alors qu’ils n’étaient jamais sortis du territoire) soient présentés mis en contexte. J’ai donc été chargée de la réalisation de ce dessin, en collaboration avec un infographiste.

La restitution de la frise ne prétend pas livrer son état originel, définitivement perdu, mais elle en donne une possible lecture. Chaque fragment a été étudié et a livré, par analogie avec d’autres frises mieux conservées, telles que celle du Trésor de Siphnos, un certain nombre d’indices permettant de l’associer à d’autres fragments et de voir la position qu’il pouvait avoir sur la suite des plaques de marbre qui, juxtaposées les unes aux autres, formaient une suite continue de figures entremêlées.

Chaque soir, à la tombée de la nuit, et pendant toute la durée de l’exposition, les couleurs font l’objet d’une animation sur la façade de la Chapelle Puget déguisée pour l’occasion en édifice multicolore ! Tout en jouant le rôle d’un phare dans quartier du panier, elle rappelle ce que le visiteur peut découvrir à l’intérieur de l’exposition.

 

 

 

Les lettres ΣΣΑΛ figurée sur l’architrave rappellent le fragment conservé (et présenté dans l’exposition) grâce auquel le Trésor a pu être attribué aux Marseillais: les [Μα]σσαλ[ιῆται].

Voir un petit film tourné lors de l’installation des fragments sculptés (2’24).

Un Hors-série Archéologia, consacré à l’exposition, dont j’ai eu la charge de la coordination, a également vu le jour (il est disponible au musée et sur le site des éditions Faton). Ainsi qu’un catalogue édité par Somogy disponible au musée et sur plusieurs sites.

 

Cette exposition a pu voir le jour dans le cadre de Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013, grâce au soutien de MP2013 et de ses partenaires officiels ainsi que de partenaires spécifiques à l’événement : Capgemini et la Fondation EDF.

 

Elle est jumelée avec l’exposition de photographies Vestiges de J. Koudelka, qui se tient également au centre de la Vieille Charité.