« Corrosion » est, en quelque sorte, un travail d’archéologie inversée.
Après avoir gravé une plaque de métal de manière classique, je la détruis progressivement, accélérant ainsi l’injure du temps. Chaque étape de la destruction donne lieu à une impression, qui serait, dans l’autre sens, une phase de reconstitution archéologique. Je ne vais pas jusqu’à la disparition totale, pour préserver une trace, la trace, celle par qui tout espoir est permis.
Deux projets sont nés de ce principe : Pyrrha Corrosion, une installation et Omphale, livre d’artiste
Pyrrha Corrosion, Gravure sur zinc
Eau forte : dans le métal, se creuse un corps épousant la posture d’une figure discrètement mythologique
Plaque de zinc gravée, détériorée, broyée, usée rejouant l’effet du temps sur les matières
Immersion-morsures acides, brûlures, griffures, meurtrissures
jusqu’à la presque-disparition où ne subsiste, parfois, par miracle, qu’une trace, quasi archéologique. Une relique.
Parmi ces femmes de l’ombre auxquelles je rends hommage en les faisant exister sous les traits qui se creusent ou s’entremêlent à la surface de mes dessins, Pyrrha est peut-être l’une des plus émouvantes. Restée seule avec Deucalion après un déluge décidé par les dieux, elle est la dernière d’un monde en déclin, la première aussi du monde nouveau : désespérée sans doute d’avoir tout perdu, de les avoir tous perdus, elle a la force ultime – celle que l’on peut puiser encore quand il ne reste plus rien et que tout semble vain – d’écouter et d’interpréter l’énigmatique oracle qui leur ordonne de jeter derrière eux des pierres pour engendrer la race nouvelle. Ce double sentiment de lassitude extrême mêlé d’un instinct vitale, sursaut d’une volonté salvatrice, est pour moi l’icône du combat silencieux.
(Texte issu de l’exposition « Femmes de combat » )
Omphale, livre d’artiste
(en construction)